Le chemin qui mène au référencement naturel est pavé de bonnes intentions et de grossières erreurs. L’une d’elles est de croire que de squatter en ligne une identité forte permettra d’être plus facilement trouvé… alors que c’est précisément tout le contraire qui se passe.
Nous avons relevé dans la presse locale un article vantant la mise en ligne d’un nouveau site institutionnel tentant de mettre en valeur l’offre de zones d’implantation d’entreprises appelées aussi ZAC. Alors que situées dans un territoire rural à forte identité (même à l’international) comme la Gascogne, les ZAC sont vendues sous le nom de Central Park, avec l’argumentaire suivant :
L’idée est née du constat que les chefs d’entreprise ne se préoccupent pas des limites territoriales des communautés de communes (CC). En coopérant, les deux territoires peuvent faire une offre plus complète et plus riche. Mais, selon Alain Marin (2), plutôt que de choisir une dénomination contenant les mots « zones d’activités », des termes qui cassent la banalité ont été choisis à dessein : « Central Park » correspond à un espace new-yorkais connu du monde entier, qui sera naturellement bien référencé par les moteurs de recherche. De plus, « Park » implique la proximité de la nature.
Source : Nogaro – Central Park, marque commune pour Aire et Nogaro – Le journal du Gers
Concrètement, si vous tapez le nom d’une entité réelle connue sur n’importe quel moteur de recherche… vos résultats seront très logiquement saturés par cette entité. Et donc, vos chances de sortir avant la 15e page de résultats sont assez proches du néant. Pire, la plupart des moteurs de recherche affinent leurs algorithmes en permanence pour s’assurer de la meilleure pertinence des résultats possible, les internautes détestant généralement être mis sur de fausses pistes. Autant dire que les squatteurs d’identité ont tendance à être carrément éjectés des résultats, parce que leur appellation est tout sauf pertinente, puisqu’elle a tendance à induire en erreur.
Vous l’ignoriez peut-être, mais Google supprime des liens de son moteur de recherche au nom du droit d’auteur, à la demande des ayants droit (un peu comme il le fait en Europe au nom du droit à l’oubli). Comme l’explique le site TorrentFreak, Google a toujours été transparent concernant ces déréférencements de liens. Cependant, pour obtenir le nombre total de liens déréférencés par la firme, il fallait compiler les données.
Mais aujourd’hui, Google lance une nouvelle version de son site « Transparence des informations » dédié aux « demandes de suppression de contenu pour atteinte aux droits d’auteur ». Et en plus du nouveau look, ce site donne aussi le nombre total de liens déréférencés depuis mars 2011.
Ainsi, on sait que depuis cette date, la firme de Mountain View a déjà déréférencé plus de 1,75 milliard de liens, à la demande des ayants droit. Et au total, 888 000 sites web ont été concernés par ces déréférencements.
Couler son projet avant même qu’il ne commence
Donc, avant même de lancer votre projet, la moindre des choses est de vérifier que la marque que vous allez utiliser n’est pas déjà la propriété de quelqu’un. Et si vous ne l’avez pas fait, les personnes en charge de votre communication et/ou de votre site Internet doivent absolument vous en informer. Parce que, bien sûr, une simple vérification de moins de cinq secondes nous a confirmé que Central Park est bien une marque déposée.
Il y a bien pire qu’un site mal référencé : un site déréférencé. Là, même le meilleur contenu — rédigé en fonction des attentes et des besoins exprimés par les prospects que l’on compte toucher avec son projet — ne pourra rien pour vous. Vous allez simplement ne jamais exister. Et même en tapant une requête qui vous désignerait explicitement, vous ne pouvez pas être dans les résultats, puisque vous en avez été sorti. Vous avez disparu des écrans radars. Une mésaventure aux conséquences souvent fatales pour votre activité.
Cet incident souligne cependant un danger auparavant méconnu que nous appelons maintenant le « Risque de la Recherche ». Le danger est que n’importe quel service comme ProtonMail peut facilement être supprimé par les entreprises qui gèrent les moteurs de recherche, ou le gouvernement qui contrôle ces entreprises. Cela peut même arriver à travers les frontières nationales. Par exemple, même si Google est une société américaine, elle contrôle plus de 90 % du trafic de recherche européen. Dans ce cas précis, Google a directement causé une réduction de la croissance mondiale de ProtonMail de plus de 25 % pendant plus de dix mois.
Cela signifiait que les revenus que Protonmail tirait de ses utilisateurs ont été aussi été réduits de 25 %, mettant de la pression financière sur nos activités. Nous sommes passés de la capacité à couvrir toutes nos dépenses mensuelles à la nécessité de puiser de l’argent de notre fonds de réserve d’urgence. La perte de revenus et les dommages financiers consécutifs ont été de plusieurs milliers de francs suisses (1 CHF = 1,01 USD), qui ne seront jamais remboursés.
La seule raison pour laquelle nous avons survécu pour raconter cette histoire est que la majeure partie de la croissance de ProtonMail provient du bouche-à-oreille, et que notre communauté est trop active pour l’ignorer. Bien d’autres entreprises ne seront pas aussi chanceuses. Cet épisode montre que bien que les risques en matière de recherche internet sont sérieux, et nous soutenons donc maintenant la Commission européenne : compte tenu de la position hégémonique de Google sur la recherche web, plus de transparence et de surveillance sont indispensables.
Source : Si Google vous ignore, votre projet est en péril, Framablog, 31 octobre 2016
Comment se prémunir contre ce genre d’impair?
Il convient de cesser de considérer la communication en général et la stratégie Internet en particulier comme la dernière roue du carrosse, une simple formalité à accomplir en fin de parcours, un truc un peu technique qui doit s’adapter à vos choix stratégiques. Votre site Internet n’est pas juste une affaire de design et de code : il est partie prenante de votre projet dès son démarrage et une société web doit aussi vous conseiller en amont sur la pertinence de certains de vos choix, sachant qu’Internet, ses lois, son droit, sa dynamique ne sont peut-être pas de votre domaine de compétence.
Un mauvais choix de marque, de nom de domaine, d’axe de communication, d’anticipation des besoins des prospects peut directement compromettre la viabilité de votre projet avant même son lancement. Un prestataire sérieux doit aussi vous mettre en garde contre vous-même.